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Classicisme dans le modernisme

Publié le 26 septembre 2024 Mis à jour le 2 décembre 2024

Journée d’Étude du groupe Modernismes du CREA-EA 370 organisée par Anne-Pascale Bruneau-Rumsey et Emilie Georges

Date(s)

le 4 décembre 2024

Lieu(x)

Bâtiment Max Weber (W)

Salle des Conférences
À première vue, la réunion de ces deux termes pourrait apparaître comme un oxymore. Le modernisme, par son ancrage dans la modernité, peut d’abord faire songer à une posture de rupture avec le passé, passé qui serait incarné par-dessus tout par le classique. Mais si une posture d’opposition ou de rupture est bien celle de certaines tendances au sein du modernisme, notamment les avant-gardes futuristes ou Dada, elle est loin de caractériser le modernisme en son ensemble. D’autres modernismes se donnent comme tâche de « tirer l’éternel du transitoire », pour reprendre Baudelaire ; et pour ceux-ci, le classique, le classicisme constitueront un repère indispensable.
 
Le classicisme évoque en premier lieu un mouvement culturel du dix-septième siècle qui puise son inspiration dans l’art et l’architecture de l’Antiquité gréco-romaine et prône la stabilité et la durabilité, incarnées dans une élégance sobre, l’équilibre rythmique et l’harmonie des proportions. Le classique entend s’exempter des modes, échapper aux vicissitudes des âges, tendre vers des vérités de portée universelle. C’est un idéal que se chargent de perpétuer les académies par l’enseignement de règles et la constitution d’un canon se transmettant au fil des générations. Toutefois, cet idéal peut se figer en académisme.
 
Dans ses manifestations littéraires et plastiques, le modernisme affronte cet héritage complexe et multiple. Rejetant l’académisme, se défiant du réalisme et du romantisme, et poursuivant le neuf, il aspire aussi, sous divers modes, à recouvrer le fil de la tradition. Chez les auteurs modernistes anglophones, le classicisme s’entend, dans un premier temps, comme un rapport particulier à une culture dite classique : l’œuvre de Joyce, qui prend appui sur l’Odyssée pour la structure de Ulysses, en est fortement pénétrée, H.D. s’inspire des paysages et personnages de la mythologie grecque dans les poèmes de Sea Garden et réécrit plus tard le mythe d’Hélène de Troie dans Helen in Egypt, T. S. Eliot s’appuie sur le théâtre grec mais aussi élisabéthain dans l’écriture de sa poésie. Ezra Pound propose une adaptation en anglais moderne des vers latins de Properce — un peu trop moderne au goût des spécialistes de l’époque. Le goût des lignes simples influence la théorie littéraire de Pound, qui voit une correspondance entre la ligne visuelle et la cadence musicale dans l’introduction à son recueil de traductions de Guido Cavalcanti. C’est l’une des raisons de son admiration pour des sculpteurs comme Henri Gaudier-Brzeska et Constantin Brancusi dont le travail sur la forme épure la figuration.
 
Dans les arts plastiques, la théorisation du postimpressionnisme par Roger Fry et Clive Bell fait de Cézanne la pierre angulaire de ce mouvement, et, à la suite de Maurice Denis, voit dans le peintre « le grand classique de notre temps ». Elle encourage dans l’art britannique le développement d’un modernisme nourri de ses enseignements. Juste avant la guerre, T. E. Hulme, qui avait fait valoir la nécessité du classicisme pour contrer le flux romantique, affirme la supériorité d’une attitude antihumaniste s’ancrant dans l’abstraction. Après-guerre, Wyndham Lewis, qui avait mené le mouvement vorticiste, modèle un autoportrait sur celui de Raphaël, sans toutefois faire sienne l’idée du « retour à l’ordre » prôné par certaines figures de l’art parisien.
 
Enfin, partant de cette injonction au « retour à l’ordre », l’on peut s’interroger sur les rapports entre les positions politiques des modernistes et leur travail esthétique. Le goût de l’ordre, affirmé avec plus ou moins de force dans la sphère esthétique, peut souvent – mais non nécessairement – trouver un écho dans un conservatisme politique. Pound évoque ainsi sans ironie les « amoureux de l’ordre », parmi lesquels il se place, dans Jefferson and/or Mussolini mais l’expression évoque aisément à ses lecteurs et lectrices le goût esthétique de l’harmonie. Le conservatisme d’Eliot va de pair avec un goût de l’ordre établi et de la tradition, notion qui est au cœur de ses préoccupations poétiques et critiques. En revanche, si les théoriciens de Bloomsbury font l’éloge d’un certain hiératisme formel, leur sensibilité libérale ne les porte pas vers l’ordre dans la sphère politique.
 
Il s’agira donc d’étudier les diverses manières dont les modernistes s’intéressent à la notion de classicisme et se l’approprient, tant dans leur théorie que dans leur pratique artistique, et de penser à travers ce prisme les rapports entre les différentes sphères de leur activité intellectuelle.

Programme :
 
9h15 Accueil des participants 
 
9h40 Introduction
 
10h00-12h15 – Panel 1
Présidence Emilie Georges (Université Paris Nanterre)
 
10h00 : Cesar Jumpa Sanchez (Université Paris Nanterre)
“Classicism in Early Eliot:  European Springboards and Affiliations in the City of Light”
 
10h30 : Kit Toda (Université de la Réunion)
“T. S. Eliot, Chaotic Classicist?”
 
11h00 : Discussion Eliot
 
11h30 : Julie Chevaux (CPGE Frédéric Chopin, Nancy)
« ‘We stand naked to the blast’ : la fin brutale de la référence classique chez Roger Fry »
 
12h15-14h00 Pause déjeuner
  
14h00-16h30 – Panel 2
Présidence Anne-Pascale Bruneau-Rumsey (Université Paris Nanterre)
 
14h00 : Fabienne Stahl (Musée départemental Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye)
« La tension entre classicisme et modernité dans l’œuvre de Maurice Denis »
 
14h45 : Anne-Florence Gillard-Estrada (Université de Rouen)
“Duncan Grant, Vanessa Bell and the Classical Body”
 
15h30 : Hélène Lesbros (Université Paris Nanterre)
« ‘Principle before Precedent’ : le paradoxe du rapport au classicisme dans la littérature organiciste de Frank Lloyd Wright, Claude Fayette Bragdon et Richard Buckminster Fuller »
 
16h15 : Conclusions de la journée
 
16h30 Pot de clôture

Mis à jour le 02 décembre 2024