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Séminaire Aliénation/Émancipation : Claire Wrobel
Aux origines de la « société de contrôle » ? Relire le roman gothique anglais du XVIIIe siècle au prisme des théories de la surveillance Discutante : Emmanuelle de Champs (Université de Cergy)
le 13 mars 2024
Résumé
Le ressort narratif de l’enfermement et de l’évasion est récurrent dans le roman anglais du XVIIIe siècle. Les tropes mis en place dès le Castle of Otranto (1764), de Horace Walpole, incluent entre ces deux pôles des scènes de poursuite réécrites et développées par la suite. Le roman gothique s’est également montré particulièrement perméable à l’« escapologie » du discours des Lumières, dans lequel l’émancipation était un « mot-clé » (Roy Porter 2000), fournissant en retour de nombreuses métaphores et mises en fiction. Son substrat idéologique peut en ce sens être lu en lien avec une historiographie Whig selon laquelle l’Angleterre du XVIIIe siècle était libérée d’un passé marqué par la prédominance de la « souveraineté » telle que Michel Foucault décrit ce modèle de pouvoir dans Surveiller et punir (1975). Une lecture à contretemps, ou intempestive, du gothique permet de mettre en évidence la tension entre ce modèle et le pouvoir disciplinaire émergent. Cependant la surveillance dans les romans gothiques ne s’exerce pas uniquement au sein d’institutions disciplinaires telles que les monastères, asiles et autres prisons qui abondent par exemple dans Melmoth the Wanderer (1820). Par son aspect insaisissable, elle évoque aussi la « société de contrôle » telle que Gilles Deleuze la définit à partir de 1990. La temporalité complexe du gothique permet ainsi de remettre en question le modèle linéaire selon lequel souveraineté, discipline et contrôle se succèderaient de façon hermétique et d’explorer les « configurations complexes et hétérogènes des manières d’être gouverné » (Olivier Razac 2023). De plus, dans le roman gothique tel que pratiqué par exemple par Ann Radcliffe, l’attention accordée à la place du (dé)chiffrement permet de mettre en perspective la part de mise en récit et d’interprétation qui persiste dans les technologies de surveillance contemporaines. À partir des analyses présentées dans Roman noir, réforme et surveillance en Angleterre (1764-1842), cette intervention tentera d’esquisser ce que pourrait être une archéologie de la surveillance et de ses représentations culturelles dans une perspective « longue durée », qui mobiliserait et complèterait les outils fournis par les « surveillance studies ».
Biographie
Claire Wrobel est MCF HDR à l’Université Paris-Panthéon-Assas et membre de VALE (Voix Anglophones, Littérature et Esthétique) à Sorbonne Université. Sa première monographie (Roman noir, réforme et surveillance en Angleterre (1764-1842) : Gothique et panoptique, Classiques Garnier, 2022, publiée avec le soutien de VALE) explore les ramifications intertextuelles, historiques et idéologiques qui sous-tendent le rapport dialectique entre réforme pénale et roman gothique dans l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle. En 2024, elle co-organise le séminaire « What do the Humanities Have to Say to Law ? » au congrès ESSE (avec Greta Olson, Professeure à l’Université de Giessen) et le panel « Surveillance Imaginings » au congrès du Surveillance Studies Network (avec Peter Marks, Professeur émérite à l’Université de Sydney).
Mis à jour le 02 mars 2024