Version française / Séminaires
- Libellé inconnu,
Séminaire Aliénation/Emancipation : Laure Gardelle
Publié le 17 avril 2019
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Mis à jour le 21 septembre 2023
Nous accueillons cette semaine Laure Gardelle qui vient nous parler du thème suivant : Les usages non discriminants du genre : comment éviter l’invisibilité sans risquer l’exclusion ? Perspective comparée anglais-français.
Les revendications d’égalité sociale entre femmes et hommes se sont accompagnées, dans le débat public depuis la fin du XXe siècle, d’une revendication d’égalité linguistique, revendication portée aujourd’hui au niveau institutionnel. Elle concerne notamment la catégorie grammaticale du genre, qui bien qu’elle soit en partie (voire largement) arbitraire dans son fonctionnement général, est sémantiquement motivée pour les humains. Les études du pronom he générique en anglais ont par exemple prouvé dès les années 1970 qu’il faisait systématiquement de l’humain prototypique un homme.
Le processus est complexe. Certaines revendications militantes proposent des changements parfois très radicaux ; à l’autre extrême, pour d’autres, il s’agit plutôt d’ajuster légèrement une langue devenue inadéquate pour exprimer une réalité effective. Les préconisations ne correspondent pas toujours aux usages effectifs, eux-mêmes flottants parfois. Une autre source de complexité est la question du prestige : le féminin a pu être refusé par des femmes elles-mêmes parce que seul le terme masculin semblait permettre une pleine reconnaissance de compétences. A cela s’ajoute la logique grammaticale du genre (puisqu’il s’agit bien de grammaire), avec le statut de classe non marquée du masculin – statut dont l’étude précisera les enjeux, trop peu pris en compte dans le discours actuel. En tous les cas, le genre est aujourd’hui en pleine mutation, et des réformes sont proposées au niveau institutionnel ; ainsi en France, alors que l’Académie Française répondait en 1984 qu’« aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel » (voir aussi la déclaration du 21 mars 2002), en 2019, elle reconnaît à son tour le problème posé par le tout-masculin pour les humains.
On s’intéressera ici plus spécifiquement au cas des noms genrés dans deux langues, l’anglais et le français, qui représentent les deux grands types de systèmes du genre dans le monde. Le point de départ sera un double constat : les stratégies divergent (principalement l’indifférenciation en anglais, et la féminisation en français), de même que les succès (stabilisation relative, au moins pour le domaine public, en anglais ; faible stabilisation pour le français, et fortes oppositions parfois, même de la part de personnes convaincues du besoin d’égalité femmes/hommes). L’objectif sera de comprendre pourquoi, pour comprendre ensuite quelles peuvent être les solutions.
Il s’agira de montrer qu’au moins une large partie de ces succès et écueils s’explique par des obstacles linguistiques et cognitifs (liés au traitement du langage), bien plus puissants que les questions de pertinence sociologique, et pourtant très largement sous-estimés dans le débat actuel. La thèse avancée ici est que les usages ne peuvent évoluer que s’ils ne connaissent pas de tels obstacles. C’est le cas de la stratégie d’indifférenciation en anglais, et de certains fonctionnements de la féminisation en français. Parmi les conclusions sur le français, on montrera que le doublet systématique (abrégé ou complet) préconisé par certains organismes ne paraît pas pouvoir devenir un mode unique d’évolution, bien qu’il soit très pertinent dans certains contextes. Par ailleurs, malgré la centration sur les doublets, la stratégie d’indifférenciation constitue une forme forte d’évolution naturelle des usages en français informel. Au final, l’étude prônera une diversification des moyens ; des exemples concrets seront donnés à l’aulne de différents types de textes.
Le processus est complexe. Certaines revendications militantes proposent des changements parfois très radicaux ; à l’autre extrême, pour d’autres, il s’agit plutôt d’ajuster légèrement une langue devenue inadéquate pour exprimer une réalité effective. Les préconisations ne correspondent pas toujours aux usages effectifs, eux-mêmes flottants parfois. Une autre source de complexité est la question du prestige : le féminin a pu être refusé par des femmes elles-mêmes parce que seul le terme masculin semblait permettre une pleine reconnaissance de compétences. A cela s’ajoute la logique grammaticale du genre (puisqu’il s’agit bien de grammaire), avec le statut de classe non marquée du masculin – statut dont l’étude précisera les enjeux, trop peu pris en compte dans le discours actuel. En tous les cas, le genre est aujourd’hui en pleine mutation, et des réformes sont proposées au niveau institutionnel ; ainsi en France, alors que l’Académie Française répondait en 1984 qu’« aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel » (voir aussi la déclaration du 21 mars 2002), en 2019, elle reconnaît à son tour le problème posé par le tout-masculin pour les humains.
On s’intéressera ici plus spécifiquement au cas des noms genrés dans deux langues, l’anglais et le français, qui représentent les deux grands types de systèmes du genre dans le monde. Le point de départ sera un double constat : les stratégies divergent (principalement l’indifférenciation en anglais, et la féminisation en français), de même que les succès (stabilisation relative, au moins pour le domaine public, en anglais ; faible stabilisation pour le français, et fortes oppositions parfois, même de la part de personnes convaincues du besoin d’égalité femmes/hommes). L’objectif sera de comprendre pourquoi, pour comprendre ensuite quelles peuvent être les solutions.
Il s’agira de montrer qu’au moins une large partie de ces succès et écueils s’explique par des obstacles linguistiques et cognitifs (liés au traitement du langage), bien plus puissants que les questions de pertinence sociologique, et pourtant très largement sous-estimés dans le débat actuel. La thèse avancée ici est que les usages ne peuvent évoluer que s’ils ne connaissent pas de tels obstacles. C’est le cas de la stratégie d’indifférenciation en anglais, et de certains fonctionnements de la féminisation en français. Parmi les conclusions sur le français, on montrera que le doublet systématique (abrégé ou complet) préconisé par certains organismes ne paraît pas pouvoir devenir un mode unique d’évolution, bien qu’il soit très pertinent dans certains contextes. Par ailleurs, malgré la centration sur les doublets, la stratégie d’indifférenciation constitue une forme forte d’évolution naturelle des usages en français informel. Au final, l’étude prônera une diversification des moyens ; des exemples concrets seront donnés à l’aulne de différents types de textes.
Mis à jour le 21 septembre 2023
Contact :
Sophie Raineri : sraineri@parisnanterre.fr