Séminaire de l'Observatoire de Recherche sur les États-Unis (ORUS / Politiques Américaines) : Johan Wurzburg

Publié le 15 octobre 2024 Mis à jour le 16 octobre 2024
State of Vermont Pure Heroin
State of Vermont Pure Heroin

Johan Wurzburg présentera une communication intitulée : L’impact de l’ "épidémie d’opioïdes" nord-américaine sur la politique des drogues étatsunienne et les représentations de la dépendance au prisme du local : entre coercition bienveillante et remise en cause du modèle prohibitionniste. Le cas du Vermont (1990s - 2010s).

Date(s)

le 22 octobre 2024

17h30 - 19h00
Lieu(x)

Bâtiment Max Weber (W)

Salle de séminaire 1
Alors que les autorités sanitaires et politiques étatsuniennes peinent toujours à juguler ce que le Center for Disease Control (CDC) qualifie de « troisième vague » d’une « épidémie d’opioïdes » qui persiste sous différentes formes depuis les années 1990 à travers le pays, l’État rural du Vermont s’est distingué politiquement au fil des 30 dernières années par deux ruptures paradigmatiques majeures. Elles concernent tant la façon d’aborder l’usage de produits narcotiques (autorisés ou non à des fins médicales) ainsi que le traitement de la dépendance pouvant en découler. 

Ces ruptures témoignent de tentatives d’adaptation au niveau local d’une politique des drogues fédérales en recomposition qui s’inscrit dans un cycle politique plus large de remise en question progressive, et à différents degrés selon les États, des politiques prohibitionnistes de Guerre aux drogues (héritées de l’ère Nixon et renforcées sous les mandats de Reagan) ; cycle qualifié par l’historien David T. Courtwright de « End the War on Drugs Movement ». Le premier tournant se caractérise par la « médicalisation » (au sens de Peter Conrad) de la dépendance aux opiacés, tardive au Vermont comparée à la majorité des autres États américains (42), qui s’amorce à partir des années 2000 et qui coïncide avec un phénomène de « pharmaceuticalisation » de la société étatsunienne. Elle marque l’entrée de l’État dans un processus de « pathologisation » de l’usager de drogues, l’éloignant dans une certaine mesure de son statut de criminel « déviant » et faisant de l’usager un patient à normaliser par le traitement. Ce phénomène s’inscrit dans une tendance accrue à la médicalisation au niveau fédéral liée en partie au brouillage en cours de la frontière entre substances licites et illicites caractérisant la première vague de la crise des opioïdes (fin 1990s-2000s), période durant laquelle les surdoses causées par des antidouleurs opioïdes issus du marché pharmaceutique (principalement l’Oxycontin) dépassent les surdoses liées à l’héroïne du marché noir. Cette tendance à la médicalisation de la dépendance aux opiacés ne supplante néanmoins pas la logique punitive, mais vient la compléter et la requalifier, formant ainsi un système hybride.

Le deuxième tournant politique au niveau local coïncide avec la « deuxième vague » de la crise des opioïdes aux États-Unis (début des années 2010), quand les surdoses à l’héroïne rattrapent celles causées par des opioïdes prescrits. Cette période met en lumière les insuffisances du système hybride « médico-criminel » à l’égard de l’usage de drogues.

L’adoption d’un modèle « gradualiste », ou fort, de politique de réduction des risques à travers l’État, par une collaboration renforcée entre organisations et associations locales d’anciens usagers et représentants politiques locaux, vient ainsi compléter la médicalisation de la dépendance. La priorité ne semble plus être de mener une guerre aux drogues (et aux usagers), mais de mener une guerre contre les overdoses aux opioïdes, particulièrement le Fentanyl (« troisième vague » de la crise des opioïdes), qui font désormais plus de victimes que les armes à feux à travers le pays.
 
Membre du CREA et de l’Association Française d’Études Américaines, Johan Wurzburg termine actuellement sa thèse en civilisation américaine sous la direction de Caroline Rolland-Diamond à l’université Paris Nanterre. Sa thèse en histoire politique et sociale des États-Unis s’attache à évaluer l’impact de la crise des opioïdes sur les politiques de guerre aux drogues et les représentations de la dépendance au prisme du local, dans l’État rural du Vermont (années 1990-2010). Johan Wurzburg a par ailleurs enseigné en civilisation américaine à l’UFR Langues et civilisation étrangères de Nanterre (2019-2020) et comme ATER en anglais du commerce à l’IUT Ville d’Avray pendant 2 ans. Il a co-dirigé la table-ronde « Histoire de la santé dans les Amériques » de l’Institut des Amériques avec Irène Favier en juin 2023 à Lyon.

La séance est organisée en hybride par Hélène Solot et Elisabeth Fauquert.
Pour obtenir le lien de connexion, merci de contacter Elisabeth Fauquert (efauquert@parisnanterre.fr) ou Hélène Solot (h.solot@parisnanterre.fr). 
 

Mis à jour le 16 octobre 2024