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Approches matérialistes de l'irréalisme
Publié le 14 mai 2025
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Mis à jour le 14 mai 2025
Cette JE, qui fait suite à celle organisée en 2018 dans le cadre du séminaire Littéraire des Armes de la Critique (ENS PSL) autour des approches matérialistes du réalisme, souhaite examiner la façon dont l’irréalisme réfléchit une conjoncture donnée, et interroger très largement sa fonction idéologique, sans la réduire à la proposition d’un irréalisme intrinsèquement émancipateur.
Date(s)
le 10 juin 2025
Lieu(x)
Bâtiment Max Weber (W)
Salle des conférences
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Les approches matérialistes de la littérature, qui se proposent d’étudier les textes dans leur contexte de production et de réception et d’éclairer les modalités complexes selon lesquelles une œuvre est façonnée par les rapports sociaux dans lesquels elle se trouve prise, se sont historiquement construites autour d’études de la littérature réaliste, de György Lukács à Pierre Bourdieu en passant par Lucien Goldmann et Pierre Barbéris ou Ian Watt.
A contrario, l’irréalisme – mot « parapluie » dans lequel nous incluons tous les modes non-mimétiques, du gothique et du fantastique à la fantasy, l’horreur et la science-fiction en passant par le surréalisme et le réalisme magique – soupçonné de mystification, a historiquement moins retenu la critique intéressée au rôle politique de la littérature, notamment dans sa version marxiste.
Pourtant, l’imagerie gothique a souvent été mobilisée par les détracteurs du capitalisme, industriel ou tardif, décrit tour à tour sous les traits d’un fantôme, d’un cannibale ou d’un zombie. Et la revalorisation de l’imagination opérée à partir des années 1960 par des penseurs comme Michael Löwy ou Fredric Jameson, pensée, dans le sillage des travaux d’Ernst Bloch sur l’utopie comme élan révolutionnaire, est devenue relativement consensuelle.
Ce n’est pas seulement que l’irréalisme a su s’imposer dans le champ littéraire, tant statistiquement (la production de « littérature de l’imaginaire » est en hausse) que symboliquement (H.P. Lovecraft a désormais son volume dans la Pléiade), et gagner ses lettres de noblesse universitaires, à la faveur d’une réhabilitation plus générale des cultures populaires. C’est aussi que l’irréalisme a conquis une légitimité politique en tant qu’esthétique émancipatrice – à la fois lanceuse d’alerte dans ses versions horrifiques ou dystopiques comprises comme autant de représentations hyperboliques du présent, et empêcheur de tourner en rond dont les projections imaginaires rappellent que les alternatives au capitalisme sont bel et bien possibles.
La présente journée d’étude, qui fait suite à celle organisée en 2018 dans le cadre du séminaire Littéraire des Armes de la Critique (ENS PSL) autour des approches matérialistes du réalisme, souhaite examiner la façon dont l’irréalisme réfléchit une conjoncture donnée, et interroger très largement sa fonction idéologique, sans la réduire à la proposition d’un irréalisme intrinsèquement émancipateur. Elle souhaite aussi faire dialoguer les approches de la SF/fantasy comme culture populaire, avec le corpus de critique marxiste qui s’est intéressé au roman gothique, à la science-fiction, au surréalisme ou à la fantasy – corpus encore relativement méconnu en-dehors des écrits que Jameson a consacrés à la science-fiction et au réalisme magique, ou à ceux qu’il a inspirés au sein du Warwick Research Collective sur les liens entre irréalisme et périphérie dans le cadre du développement inégal et combiné de la littérature-monde.
Materialist readings of literature, intent on studying texts in their context of production and reception (as per sociological approaches) and/or on shedding light on the ways in which artworks are determined by social relations (as in Marxist criticism), have traditionally given pride of place to realist literature, from György Lukács to Pierre Bourdieu, via Lucien Goldmann, Pierre Barbéris or Ian Watt.
Conversely, irrealism (under which we include all non-realist genres, not only gothic novels, fairy tales, utopias and surrealism, but also science-fiction, fantasy and horror), suspected of mystification, has had less appeal for Marxist literary theory.
Yet, gothic tropes have often been used by the detractors of capitalism, past and present, which they alternately truss up in ghost, cannibal or zombie attire. Meanwhile, the revaluation of imagination as revolutionary impulse, drawing on Ernst Bloch’s principle of hope, has been defended from the 1960s on by Michael Löwy or Fredric Jameson and become consensual enough.
Thus, irrealism, has not only established a foothold in the literary and academic fields as part of wider canonization of popular culture: it has also achieved political left-wing legitimacy as the new aesthetic of emancipation, whether through dystopian depictions or imagined alternatives to the capitalist status quo.
Precious work on the cultural economy of fantasy and science-fiction, as well as on their political reception and uses, has already been carried out – challenging the entrenched division between progressive science-fiction and reactionary fantasy. Our study-day, the counterpart to a 2018 conference on materialist approaches to realism, aims to examine irrealism as a mode of reflection of and on social relations and formations – without taking it to be inherently critical or emancipatory. It also seeks to bring to light and expand the body of Marxist literary criticism devoted to the gothic novel, science-fiction, surrealism, magical realism and fantasy, still relatively unknown apart from the writings of Fredric Jameson and the Warwick Research Collective’s work on combined and uneven development, connecting irrealism with the periphery of the world literary system.
Les approches matérialistes de la littérature, qui se proposent d’étudier les textes dans leur contexte de production et de réception et d’éclairer les modalités complexes selon lesquelles une œuvre est façonnée par les rapports sociaux dans lesquels elle se trouve prise, se sont historiquement construites autour d’études de la littérature réaliste, de György Lukács à Pierre Bourdieu en passant par Lucien Goldmann et Pierre Barbéris ou Ian Watt.
A contrario, l’irréalisme – mot « parapluie » dans lequel nous incluons tous les modes non-mimétiques, du gothique et du fantastique à la fantasy, l’horreur et la science-fiction en passant par le surréalisme et le réalisme magique – soupçonné de mystification, a historiquement moins retenu la critique intéressée au rôle politique de la littérature, notamment dans sa version marxiste.
Pourtant, l’imagerie gothique a souvent été mobilisée par les détracteurs du capitalisme, industriel ou tardif, décrit tour à tour sous les traits d’un fantôme, d’un cannibale ou d’un zombie. Et la revalorisation de l’imagination opérée à partir des années 1960 par des penseurs comme Michael Löwy ou Fredric Jameson, pensée, dans le sillage des travaux d’Ernst Bloch sur l’utopie comme élan révolutionnaire, est devenue relativement consensuelle.
Ce n’est pas seulement que l’irréalisme a su s’imposer dans le champ littéraire, tant statistiquement (la production de « littérature de l’imaginaire » est en hausse) que symboliquement (H.P. Lovecraft a désormais son volume dans la Pléiade), et gagner ses lettres de noblesse universitaires, à la faveur d’une réhabilitation plus générale des cultures populaires. C’est aussi que l’irréalisme a conquis une légitimité politique en tant qu’esthétique émancipatrice – à la fois lanceuse d’alerte dans ses versions horrifiques ou dystopiques comprises comme autant de représentations hyperboliques du présent, et empêcheur de tourner en rond dont les projections imaginaires rappellent que les alternatives au capitalisme sont bel et bien possibles.
La présente journée d’étude, qui fait suite à celle organisée en 2018 dans le cadre du séminaire Littéraire des Armes de la Critique (ENS PSL) autour des approches matérialistes du réalisme, souhaite examiner la façon dont l’irréalisme réfléchit une conjoncture donnée, et interroger très largement sa fonction idéologique, sans la réduire à la proposition d’un irréalisme intrinsèquement émancipateur. Elle souhaite aussi faire dialoguer les approches de la SF/fantasy comme culture populaire, avec le corpus de critique marxiste qui s’est intéressé au roman gothique, à la science-fiction, au surréalisme ou à la fantasy – corpus encore relativement méconnu en-dehors des écrits que Jameson a consacrés à la science-fiction et au réalisme magique, ou à ceux qu’il a inspirés au sein du Warwick Research Collective sur les liens entre irréalisme et périphérie dans le cadre du développement inégal et combiné de la littérature-monde.
Materialist readings of literature, intent on studying texts in their context of production and reception (as per sociological approaches) and/or on shedding light on the ways in which artworks are determined by social relations (as in Marxist criticism), have traditionally given pride of place to realist literature, from György Lukács to Pierre Bourdieu, via Lucien Goldmann, Pierre Barbéris or Ian Watt.
Conversely, irrealism (under which we include all non-realist genres, not only gothic novels, fairy tales, utopias and surrealism, but also science-fiction, fantasy and horror), suspected of mystification, has had less appeal for Marxist literary theory.
Yet, gothic tropes have often been used by the detractors of capitalism, past and present, which they alternately truss up in ghost, cannibal or zombie attire. Meanwhile, the revaluation of imagination as revolutionary impulse, drawing on Ernst Bloch’s principle of hope, has been defended from the 1960s on by Michael Löwy or Fredric Jameson and become consensual enough.
Thus, irrealism, has not only established a foothold in the literary and academic fields as part of wider canonization of popular culture: it has also achieved political left-wing legitimacy as the new aesthetic of emancipation, whether through dystopian depictions or imagined alternatives to the capitalist status quo.
Precious work on the cultural economy of fantasy and science-fiction, as well as on their political reception and uses, has already been carried out – challenging the entrenched division between progressive science-fiction and reactionary fantasy. Our study-day, the counterpart to a 2018 conference on materialist approaches to realism, aims to examine irrealism as a mode of reflection of and on social relations and formations – without taking it to be inherently critical or emancipatory. It also seeks to bring to light and expand the body of Marxist literary criticism devoted to the gothic novel, science-fiction, surrealism, magical realism and fantasy, still relatively unknown apart from the writings of Fredric Jameson and the Warwick Research Collective’s work on combined and uneven development, connecting irrealism with the periphery of the world literary system.
Mis à jour le 14 mai 2025
Fichier joint
- Programme PDF, 4 Mo
Comité d'organisation:
Vincent Berthelier (Université Paris Cité / CERILAC)
Marianne Hillion (Université de Strasbourg / SEARCH)
Marion Leclair (Université Paris Nanterre / CREA)
Marianne Hillion (Université de Strasbourg / SEARCH)
Marion Leclair (Université Paris Nanterre / CREA)